Retrouvez notre Ultrafondu d’Alain et le récit de JP :
Samedi 1er Mars : Journée de transfert sur PARIS
L’hôtel IBIS terminal 3 de PARIS CDG est le lieu de rendez vous du SAVON TEAM. Je prends le train PARIS BÂLE de 13h21 direction PARIS EST, puis je rejoins mes amis à l’hôtel via le métro et le RER.
Sur cette 3ième édition du LIBYAN CHALLENGE, le SAVON TEAM a engagé deux équipes :
Luc, Francis, Alain B. et Phil pour le SAVON TEAM 1 et Alain C., Alain D. et moi-même pour le SAVON TEAM 2.
Luc et Phil sont déjà installés à l’hôtel quand j’arrive. Les autres sirotent une bière Gare de Lyon.
Les retrouvailles sont fort sympathiques et le repas du soir prit à la cafétéria de l’hôtel nous met déjà dans l’ambiance….On va vivre une super semaine entre copains, complices, solidaires et « frères » dans l’effort et la démesure !
Pierre Gagnère le baroudeur du Raid Gauloises et de 7 lieux aventures est également de la partie ! Il nous rejoint au repas, déjà à la bourre ……
Dimanche 2 Mars : Transfert pour SEBAH puis GHAT
JMT a fixé le rendez vous à 4h00 au terminal 3 de PARIS CDG pour un départ à 6h00.
Nous retrouvons là d’autres compères avec qui nous avons en commun quelques aventures….Patrick Renault, Didier Le Mauff, Sébastien Chaigneau, Sharon Ghater, Katell Corne et les Malissa ,….. Ils sont tous là et en forme….la bataille promet d’être chaude et rude ! !
Après récupération et vérification des passeports (notamment la traduction en Libyen), nous nous dirigeons tranquillement vers la porte d’embarquement.
Le vol de SEBAH se déroule sans encombres, tel que prévu. Nous atterrissons à SEBAH à 10h45 locales (9h45 heure de Paris). Les formalités d’entrée en Libye se déroulent sans problèmes et dans une ambiance conviviale. Le groupe est détendu et nous profitons de la file d’attente pour faire plus ample connaissance. Il y a là de vrais baroudeurs et baroudeuses, aux palmarès impressionnants…..Respect !
Dés la sortie de l’aéroport, nous embarquons dans 3 bus direction le campement des dunes de GHAT, PC et camp de base de la course. Il fait déjà 33° et le soleil nous plombe déjà.
Durant les 6h00 de voyage sur une route asphaltée interminablement droite et parfois défoncée, nous profitons du paysage désertique et lunaire. Des postes de police sont répartis sur le trajet, mais nous les passons sans encombres.
Nous arrivons fourbus un peu avant la tombée de la nuit. L’accueil du staff et des touaregs et des plus chaleureux, sous les acclamations de bienvenue accompagnés de chauds applaudissements !
Nous prenons nos quartiers dans les loges attribuées par l’organisation. Le SAVON TEAM a deux loges, respectant la composition des équipes. Nous sommes maintenant sur le théâtre des opérations…..La tension croit…..
Nous savourons notre premier repas collectif sous la tente installée par nos hôtes Touaregs dirigés par Mohammed et Ismaël, qui nous ont préparé un point chaud.
Rendez-vous est pris pour le lendemain 9h00, journée préparatoire finale avant le grand départ….
Lundi 3 Mars : Journée de contrôle des sacs et de préparation finale
Dés 9h00 nous nous afférons aux points de contrôle où sont minutieusement réalisées les vérifications des effets obligatoires et dernières formalités d’usage : contrôle des 8000 Kcal requises, présentation du matériel obligatoire, remise de l’électrocardiogramme et du certificat médical, contrôle du GPS, perception du road book, de la carte de pointage et de la balise de détresse.
Ici pas de frime, complicité et partage total. Les cadors sont tout aussi accessibles que les quidams ! A chacun son extrême, mais le Libyan comme toute épreuve hors norme qui se respecte, est un emblème pour tous ! !
Nous passons parmi les premiers, afin de disposer de notre journée pour finaliser notre préparation. Le stress du départ est maintenant bien installé.
A 14h00 les vérifications sont terminées et les PC 1, 2 et 3 se dirigent vers leurs points.
Ma bronchite récalcitrante me cause soucis car je ne suis pas parvenu à totalement la résorber avant le départ. Il va falloir faire avec , et un traitement de dernière minute s’impose…..!
Tandis que les coureurs s’adonnent aux contrôles où à d’autres activités, nous nous concentrons minutieusement sur la composition de nos effets : choix finaux des effets à emporter, décision finale quant à la composition de nos rations. Nous échangeons nos expériences et choix en la matière .Nos tactiques et stratégies de course s’affinent….
A ce moment, la tension est à son comble …….Nous sommes dans notre course avec nos désirs, nos espoirs et nos doutes …..La peur est en nous : cette peur qui nous habite et qui nous fera vibrer , qui nous permet de puiser nos ressources au plus profond de nous-mêmes approcher nos limites de résistance et trouver des capacités parfois insoupçonnées….
Je reste fidèle à ma préparation de base, issue de mon expérience de 2007 et des améliorations que j’y ai apportées durant ces dernières semaines d’ajustement et de réflexion.
17h00. Le sac est prêt…….dernières vérifications, correction d’un point GPS erroné (merci Alain D.) , mise au point de la route (merci Luc !), derniers plans avant le grand départ pour une nouvelle aventure….
Dimanche 4 mars : départ du 3ième Libyan Challenge
Le petit déjeuner est préparé pour 6h00. Il fait encore nuit mais l’impatience du départ et la tension nous font déjà bien nous activer. Un transfert vers la ligne de départ est prévu en bus à 7h30. Les visages souriants laissent entrevoir l’inévitable tension et les craintes liées à ces grands défis personnels, où chacun a avant tout rendez-vous avec lui même.
Les bus nous déposent à une quarantaine de kilomètres du campement, puis les 4X4 prennent le relais pour le tronçon final sur une piste de sable un peu chahutée, pour éviter l’enlisement de l’édition 2007.
Après une bonne heure d’attente par 31°, passée à discuter de choses et d’autres, à ajuster et ré ajuster les sacs, prendre quelques poses, le départ est enfin donné à 9h51, soit avec quasiment une heure de retard sur la prévision initiale.
Il fait déjà bien chaud 33°, et la mise en route est plutôt rapide. Les 120 concurrents s’élancent à l’assaut du désert, libérés de cette interminable attente où il faut occuper positivement l’esprit, avides de sensations fortes.
Pensez donc !Le libyan challenge paraît une entreprise dingue par sa démesure et les conditions de course proposées ! Et c’est dingue ! ! ! Cette folie qui nous attire et excite tous nos sens au point de livrer un combat total avec nous même, en espérant au plus profond de nos êtres de pouvoir apprivoiser ce désert l’espace d’un instant pour franchir l’arche d’arrivée avec plaisirs , souvenirs et anecdotes plein la tête ….
Le train est plutôt soutenu d’entrée, et déjà un long cortège se faufile jusqu’au premier col. Le ton est mis : il y a un bon niveau, les places vont être chères à acquérir et à défendre pour la première moitié du peloton ! !
Nous (Alain C ; Alain D. et moi) partons prudemment car nous voulons prendre le temps d’une bonne acclimatation à cet effort inhabituel, quant à la charge portée, conditions climatiques et distance.Nous négocions correctement cette année le sommet du col d’AWIS (Km 15 /1041m) où nous pointons aux environs de la première moitié du classement. Nous franchissons cette première difficulté aux sons des musiques locales, et sous les encouragements nourris des accompagnateurs, staff et de Touaregs présents.
Nous atteignons le wadi à la période la plus chaude par un sentier escarpé jouxtant une falaise. Nous négocions cette descente en trottinant, saluant au passage 2 chameliers et leurs colonnes de chameaux pas du tout effarouchés de notre présence en ces lieux !
Nous progressons ainsi en alternant course et marche pour préserver nos réserves , tantôt sur piste , tantôt hors piste, tantôt sur plateaux caillouteux, et tout ceci affecte déjà bien nos organismes.
Nous atteignons le PC1 situé dans la grande vallée GASSIS à 13h44, après 5h44 de rando-course. 1er gros ravitaillement en nourriture et complément en eau. Nous en repartons à 14h08, via un passage où l’on peut admirer « à la sauvette » les premières gravures rupestres vieilles de plus de 3000 ans, à l’air libre, simplement protégées d’une barrière sommaire en roseaux.
Nous naviguons totalement et aveuglément au GPS, suivant un tracé préalablement établi et travaillé entre nous, sur la base des points fournis par l’organisation.Jusqu’ici, tout se déroule bien, conformément à l’ambitieux plan de marche d’Alain D. qui prévoit 10 heures de moins pour 5 à 7 km de plus….Pour ma part, je n’y crois pas vraiment même si je joue lucidement le jeu. Au point 22, Jean-Pierre dossard57 s’écroule brutalement devant nous, alors que nous passions à son niveau ! Alain D. diagnostique une hypotension. C’est à nos yeux suffisamment sérieux pour nous dérouter ne nos plans initiaux et échafauder un plan de secours, synonyme pour lui de …survie ! A ce moment précis, je prends conscience de la folie dans laquelle nous sommes. C’est à la fois extraordinaire et dingue ! Mais quelque part nous aimons cela, ne pas avoir vraiment droit à l’erreur, çà sublime vraiment l’épreuve ! C’est çà la course nature, l’Aventure et il faut conjuguer avec les éléments et les aléas !
Nous le transportons quasi inconscient sur le bas côté, cherchant désespérément un coin ombragé au pied des rochers.Nous le positionnons en ALS (position de sécurité) , et partons avec Alain C. chercher un hypothétique secours ( ?) tandis qu’Alain D. veille à ses côtés et tente d’enrayer son malaise en le faisant boire et se reposer.Le bougre n’est pas très coopératif et il nous faut vraiment user de persuasion pour le faire entendre raison et ne pas aggraver sa situation…..Le pauvre Jean-Pierre halète fortement dans un état de semi inconscience, entaillé au nez par ses lunettes , avec un filet de sang s’échappant de ses narines ….!
J’avoue pour ma part être à cet instant dépourvu de solutions immédiates et très inquiet sur la suite……Au bout de 2km, la providence nous fait croiser un véhicule 4X4 de Libyens que nous parvenons à dérouter pour porter assistance au malheureux après bien des palabres !
45 minutes plus tard, Jean-Pierre est pris en charge par le médecin du PC2 qui confirmera le diagnostic d’Alain et qui lui administrera une perfusion de glucose salvatrice ! L’étoile du berger nous a mis sur son chemin, faute de quoi on aurait pu imaginer le pire, livré à lui-même, sans aucune faculté, au milieu de ce désert magique mais implacable.
De ce fait nous n’atteignons PC2 (Km 46,5) qu’à 18h18, avec une quarantaine de minutes de retard sur notre horaire de base, encore retournés par cette énorme frayeur .Notre ami Jean-Pierre semble requinqué ( !) et nous remercie vivement de l’avoir sorti de cette mauvaise passe. On est bien là dans l’éthique du trail running en général, et celle du SAVON TEAM en particulier…..
Nous prenons une pause de cinquante minutes pour nous restaurer (2ième gros ravitaillement en nourriture personnelle et eau) et nous préparer à la nuit qui descendra bien avant le PC3.
La fatigue est déjà là, accentuée par la charge adossée et la chape de plomb qui nous a miné durant cette première difficile journée. Nous progressons de plus en plus difficilement. Il nous faut vite trouver un second souffle et un regain de vitalité mentale. Mon genou gauche me fait souffrir (cartilage ?), tout comme le creux poplité du genou droit ! Les démons de l’édition 2007 sont de retour …Ces maux sont certainement dus à un problème inflammatoire articulaire additionné d’un problème circulatoire provoquant un début de kyste synovial !
Alain D. ressent également des douleurs lancinantes mais croissantes au niveau de ses adducteurs ……Les doutes s’installent un peu plus et nous puisons dans nos volontés les ressources nécessaires à surpasser ces aléas naissant qui se sont invité au voyage ! !
Il nous faut raisonnablement adapter notre plan de route en conséquence. Plus question dans ces conditions de maintenir le cap horaire initial, ce qui pourrait amener des complications conséquentes, voire même à plus long terme que le raid.
Alain D. se déplace de plus en plus difficilement et son visage de baroudeur rompu à toutes les difficultés et vicissitudes, traduit maintenant toute sa souffrance et sa désillusion.
Le PC3 (Km 72,5) est attendu par nous (et bien d’autres….) comme une délivrance, tant notre cheminement dans cette vallée GASSIS a été interminable et fastidieux ! Nous y avons laissé quelques belles plumes ……..Nous l’atteignons à 1h48 mercredi matin , après 7h40 de véritable galère commune, alternant les hauts et les bas , les espoirs et les doutes……
C’est là que notre stratégie change et s’adapte aux circonstances. Alain D prend la mort dans l’âme l’unique décision raisonnable pour préserver sa santé et décide d’en rester là pour son édition 2008.Un nouveau gros morceau nous attend sur la route du PC4 avec des passes en plateaux caillouteux, des dunes, par une nuit bien noire (petit croissant de lune) et Alain D. n’est plus en état de l’affronter sereinement. « Je vous confie ici la navigation, les gars ! ».
Nous voici promus orienteurs, et ceci me soucie encore car je sais pertinemment ne pas pouvoir trop compter sur mon compère Alain C. « en formation », dont c’est la première expérience au GPS, sans atome crochu avec ce type d’appareil, et en difficulté avec sa vue surtout la nuit ….Une nouvelle croisade commence pour nous à cet instant !!! Nous ne sommes qu’un point dans cette immensité inconnue et incontrôlée, seuls et borgnes dans ce labyrinthe géant.
Alain C. mesure maintenant toute la difficulté d’une progression de nuit, sans visibilité, à la lueur d’une frontale qui de plus réfléchit un écho trompeur faussant les perspectives. Il prend du recul par rapport à la navigation et je suis contraint d’assurer quasiment seul notre route. C’est un poids supplémentaire dont je me serais volontiers bien passé mais qu’il me faut assumer parla force des choses, pour ne pas hypothéquer encore plus nos chances d’aboutir ….
On nous annonce timidement au PC3 que la balise 1 a été neutralisée, mais le point reste. Ceci n’est pas pour nous déplaire, car ça aurait pu être synonyme de « jardinage »en pleine nuit noire ! C’est pour nous quasiment de l’escalade sur un plateau caillouteux, puis des franchissements de dunes de sable parfois profond, qui nous mettent encore à rude épreuve.
Une forte pensée s’envole vers notre infortuné compère Alain D. resté au PC3, et Francis et Phil également croisés au PC3.
Sur cette étape, notre navigation est approximative et j’ai le sentiment de beaucoup « labourer », mais point positif sans jamais perdre notre courage ni notre sang froid synonymes de survie dans cette contrée !
Nous atteignons finalement le PC4 à 11h30 mercredi matin, après une épopée de 8h28, alternant marche, course lente et arrêts « dégustation » étendus sur le sable froid d’une nuit saharienne couverte et peu étoilée , savourant le silence extrême, à la fois redoutable et reposant….Emotions fortes et sensations. Nos pensées intimes pour nos familles, nos proches et amis nous habitent en secret et sont source de progression .Notre évasion et notre mental guident nos pas parfois assurés, parfois frêles et chancelants.
Nous observons au loin le lever de soleil sublimant ce paradis de dunes. Une invitation supplémentaire au voyage, au dépaysement et à se laisser happer langoureusement par ce désert.
Après une première nuit de 12h00 plutôt fraîche, nous atteignons le PC4 (Km 98,5) bien entamés, mais avec la ferme résolution de vite se ressourcer mentalement et physiquement. Nous aimons sentir la force des éléments. C’est une lutte permanente, et un sentiment de danger et de satisfaction mêlée à cette griserie de courir dans ce paysage lunaire.
Les douleurs sont maintenant bien installées et chacun les gère ou les subi à sa manière.
Cette étape restera pour moi la plus difficile de ce raid. Ceci sera d’ailleurs confirmé au vu des problèmes et des abandons enregistrés à ce stade.
Le PC4 est caractéristique par sa roche taillée par le temps en « patte d’éléphant » naturelle.
Il faut recharger l’organisme, soigner ou stabiliser ses maux. Après une bonne et longue pause salutaire, nous reprenons notre chemin en direction du PC5 où nous attend Marie, toujours aux petits soins pour nous !
Une cania de 36° et un fort vent desséchant nous accompagnent. C’est une nouvelle terrible chape de plomb qui nous assomme littéralement. Notre progression à ce stade est vraiment limite, nos pas parfois chancelants, comme asphyxiés. Nous puisons encore dans nos entrailles, notre mental et nos fétiches pour assurer le minimum ! Nous sommes en train de mériter ce désert ! Nous évoluons là au beau milieu d’un erg, niché dans une vallée étouffante riche de gravures rupestres .Malgré tout l’intérêt culturel, nous ne profitons que très peu de ce patrimoine tellement nos sens sont centrés sur l’essentiel : continuer ! Nous sommes physiquement marqués par autant de difficultés à surmonter et de paramètres à gérer, mais nous résistons toujours, forts d’un esprit positif et serein et conscients de notre chance de vivre une telle expérience nécessitant une concentration et une détermination de tous les instants sans faille.
Nous atteignons lePC5 à 17h40, au moment où le soleil commence sa descente, emmenant avec lui cette blanche luminosité parfois aveuglante.Nous marquons un arrêt de 45 minutes qui nous permet de correctement nous restaurer, bavarder un peu avec le staff présent, toujours aux petits soins de Marie qui nous chouchoute comme ses enfants ! ! Je savoure là discrètement un coca offert par Marie qui l’avait soigneusement conservé pour Luc, grand amateur du précieux breuvage dans de telles circonstances, mais qui n’aura pu en profiter.
Peu de coureurs sont présents à cet instant. Nous en profitons pour bénéficier d’un léger mais relaxant massage tout en douceur, prodigué par Claude la doctoresse de service à ce PC. Ma cheville droite et mon tibia sont bien enflés. Un œdème conséquent est en train de s’installer et donne un aspect « cartonné ». C’est la conséquence d’une inflammation se propageant sur le système tendineux des releveurs, jambier antérieur droit. Je surveille cela de près car bien que les douleurs s’estompent par moment, le traumatisme est bien présent et progresse…..
Nous avons parcouru là 118 kilomètres, et devant nous la seconde nuit sans sommeil, qui s’annonce redoutable pour la concentration. Elena du team BOA abandonne là son compagnon de route souffrant d’ampoules à gogo et visiblement plus enclin à prolonger ses souffrances. Elena nous demande de l’accueillir pour la fin du parcours, craignant de franchir seule cette nuit noire avec son GPS comme seul ami ! « Je me tairai » nous dit-elle, en devinant la réticence d’Alain dans son visage.Une nouvelle équipe de circonstance se forme là ! Elena, jolie brunette, est peu expérimentée en raid mais très tenace et persévérante. Nous nous disons que nous l’aiderons à progresser durant la nuit et qu’ensuite chacun pourra faire son chemin comme il l’entend, au cas où les rythmes ne seraient pas ou plus compatibles.En fait, il n’en fut rien ! ! Elena ne décrochera que dans les dunes finales, à quelques encablures de l’arrivée, ne pouvant (ou ne voulant ?) forcer son talent et s’éclater en trottinant dans le sable chaud et virevoltant.
Nous repartons du PC5 à 18h25, armés pour la nuit. « Je vous fais la bise » dit Marie « et à chaque fois que j’ai fait la bise à quelqu’un, il a fini » ! Ouf, nous voici rassurés ……
On sillonne sur un sentier dont la première partie très sablonneuse nous conduit sur un plateau rocailleux, où il nous faut trouver un sentier chamelier. La nuit nous a envahi, et avec elle un lot de craintes et d’espoirs…..Alain parait très soucieux. Il n’est pas à l’aise la nuit du fait de sa vue.Il va s’en remettre totalement à moi. Je suis promu guide de l’équipe malgré moi …..Matérialisation de l’esprit d’équipe, où il y a (où il faut) toujours un équipier en veille et en tête pour tirer l’équipe dans les moments difficiles. Pas de pensée égocentrique, simplement un individu au service du collectif. Nous « jardinons » à nouveau quelque peu pour trouver l’entrée du sentier chamelier. En fait, je me laisse guider par les phares providentiels d’un véhicule 4X4 qui croisait par là, et grâce auquel j’ai pu deviner la localisation du sentier. Alain chute au passage d’une marche mal négociée et se blesse légèrement au tibia gauche. Il peste fortement sur cet incident, sans que ceci n’affecte véritablement sa détermination. Quelques instants après nous poursuivons, Alain en boitillant et Elena concentrée sur son GPS pour surveiller mes options de navigation.
Le soleil est couché depuis quelque temps et nous flottons sans repères au milieu de cette immensité inhospitalière, véritable labyrinthe impénétrable.
Alain accuse maintenant plus le coup. Sa progression est rendue difficile à la fois par sa vue et la maîtrise simultanée de tous les paramètres nécessaires à la navigation nocturne.Il en sera ainsi durant toute la nuit, tantôt crescendo, tantôt decrescendo, tantôt allegro et tantôt pianissimo au gré des humeurs et des difficultés qui se présentent.
Alain et Elena dans une moindre mesure ( en tout cas avouée) auront des hallucinations et des visions par manque de sommeil, tout comme moi en 2007 lors du final dans les dunes.Ces moments ont tout à la fois forts, intenses, fascinants et redoutables…..Une bouteille à la mer ! ! Il suffirait d’un rien pour basculer dans une véritable galère, voire une véritable errance …..Elena se fait très discrète et suit le mouvement en dissimulant ses quelques moments d’absence….Complicité !
Cette nouvelle nuit à la belle étoile nous apparaît interminable, froide et austère. Nous nous approchons du PC 6 par des sentiers invisibles que je tente de deviner et de suivre en localisant les crottes de chameau qui eux se dirigent à coup sûr sans boussole ni GPS (encore un souvenir du Libyan 2007)…..
La relative aisance avec laquelle je m’oriente et je vis les évènements rassure mes coéquipiers tout autant qu’elle me surprend ! Ca doit être du à un fort taux d’endorphines libérées par le stress!! Je suis complètement concentré sur ma route, lucide et confiant dans mes possibilités ! Finalement je passe bien cette 2ième nuit sans sommeil objet de bien des doutes, avec seuls quelques « trous » de concentration ponctuant une relative fluidité. Alain et Elena sont de plus en plus « zombies » et réclament de courts arrêts .Pour ma part je négocie un arrêt prolongé au PC7 après la grande descente technique, favorisant ainsi une progression régulière jusque là, même si elle doit être quelque peu ralentie. Ceci afin d’entamer le dernier tronçon (un marathon dans les dunes) avec un corps ressourcé.
Nous marquons tout de même des micros pauses aux passages les plus délicats afin de les aborder dans de bonnes ( ?!) Conditions de sécurité.
Nous rejoignons le PC 6 (Km 131) à 22h05 mercredi soir, heureux de pouvoir se recharger , s’hydrater et repartir dans de meilleures conditions pour affronter la seconde partie de la nuit qui verra plusieurs passages délicats à négocier , également source d’égarement…..
Après un court arrêt de 37 minutes, nous nous dirigeons toujours au gré des crottes de chameau en direction du col d’Adrangelko point culminant de ce tronçon où il nous faut trouver la porte de la descente technique dans la roche fossilisée, sésame de l’entrée dans le marathon final !
La nuit est toujours noire, peu étoilée et la visibilité est réduite à l’éclairage d’un petit croissant de lune couvert par des nuages. Alain a perdu ses lunettes au PC6, ce qui s’ajoute encore à son désarroi !! Mais le groupe semble avoir repris suffisamment de forces pour atteindre le PC7 où nous attend un repos planifié, ce qui motive bien les troupes.
Une fois encore nous devons notre salut aux crottes de chameau qui nous conduisent non sans mal parmi les dédales de roches et de dunes sur le plateau .Nous empruntons là un sentier interminable qui contourne une falaise, et qui fait douter Alain vu que la direction suivie n’est pas en accord avec le GPS…. Mais je suis persuadé que nous sommes sur la bonne option, car des souvenirs me reviennent comme des flashes salvateurs …..
Dans cette zone il ne faut pas se fier aveuglement au GPS qui indique une direction que l’on ne peut suivre directement à cause du relief. Il s’agit là de rester sur le sentier qui contourne les falaises afin de rejoindre le point qui nous est diamétralement opposé. J’explique cela à plusieurs reprises à mes coéquipiers qui semblent d’abord sceptiques et déroutés puis finissent par se rallier à mon option. Leurs hallucinations et visions reprennent de plus belle sur ce sentier. Alain m’interpelle en m’appelant « Laurent », prénom d’un de ses frères de course Bisontin rêvant de vivre également une telle expérience. Profonde fatigue, résistance !
Le temps nous parait interminable, d’autant plus que la distance restante pour le waypoint ne diminue pas car on tourne autour en fait ! C’est physiquement et moralement épuisant. On avance à petits pas en se focalisant sur ce point, symbole pour nous de passage de l’autre côté du massif et phase finale.Mais il nous faut encore le mériter et négocier cette rude descente dangereuse dans les fossiles. Un gros morceau, avant d’envisager un arrêt prolongé et un « micro » sommeil.
Quelle délivrance pour tous que d’apercevoir les 4 balises lumineuses sécurisant et marquant l’entrée de la descente ! La pente est raide et le terrain est poussiéreux et rendu glissant par le dénivelé et les fragments de roches fossilisées.
Nous redoublons d’attention sur ces 1700m qui nous déposent au PC7 (Km 144) .
Elena et Alain très fatigués et tendus, ne prennent pas le temps d’apprécier ces fabuleux trésors que nous foulons de nos pas hésitants et retenus, et qui nous sont comme offerts en présent sur cette rude descente.
Le PC7 sera salvateur ! 3 coureurs y reposent déjà. Nous l’atteignons à 5h10 jeudi 6 mars. Nous décidons collégialement d’un repos de trente minutes, ou chacun y cherchera un « micro » sommeil réparateur.
Alors que mes coéquipiers s’activent de manière à profiter au maximum de cette période de repos, je prends au contraire mon temps en profitant de me relaxer et faire baisser la tension nerveuse liée aux dernières difficultés et concentration de cette nuit.Je ne fermerai les yeux en fait que quinze minutes, après un repas fugace, quelques soins de pieds et un bon cacao chaud dont je rêvais depuis PC6 !
Ce petit somme nous permettra de finir ce raid dans les meilleures conditions, ayant pu quelque peu recharger nos batteries !
La vie est belle, il ne nous reste plus qu’un gros marathon !
Nous repartons à 6h10 en direction du PC8 par une nuit encore noire, froide et balayée d’un vent violent ! L’entame de la piste que nous empruntons est chaotique puis bien roulante. Nous évoluons à ce moment sur un sentier composé de fragments minuscules de roches, juste entrecoupés parfois de blocs plus imposants. Le froid du petit matin m’oblige à revêtir mes gants et mon coupe vent gore tex. Je suis limite côté température. C’est au lever du jour que la température est la plus froide dans le désert, et le vent froid et violent en ajoute encore. S’il ne tombe pas d’ici les dunes, le final va être mouvementé dans le sable fin ……..A ce moment tout est possible, y compris le vent de sable comme en 2007 …..Je ne suis pas plus effrayé que cela car j’ai vécu çà l’an passé et bien que ce soit très rude je n’en garde pas un si mauvais souvenir. Je l’indique à mes coéquipiers en positivant la chose, il vaut mieux prévenir pour rien que subir avec la fatigue et le ras le bol.
Nous atteignons le PC8 (Km 158) sans encombres à 9h15. Nous avons pu contempler le lever de soleil sur les massifs environnants qui pour l’occasion ont revêtu leurs tenues multicolores tantôt ambrées, tantôt seyantes ! Nous avons pu trottiner tout le long sur cette piste globalement bien carrossable, même si j’y ai chuté sans gravité à deux reprises du fait je pense de ma foulée devenant de plus en plus rasante par la fatigue ….Le sentier serpente au pied d’une chaîne de falaises de basalte puis d’une vallée reg. A 3,68 Km du PC8 je prends l’option de couper plus directement à l’azimut pour le rejoindre, me souvenant que la zone le permettait aisément.J’ai souvenir d’un terrain hors piste praticable (ce qui n’était pas le cas jusqu’alors) qui nous permettrait d’optimiser la distance, en virevoltant entre les roches et la végétation (bosquets épineux et piquants) qui refaisait son apparition. Bingo ! ! Mes coéquipiers sont totalement rassurés et confiants de retrouver la visibilité du relief et de voir que je maîtrise bien la situation et que nous sommes sortis du labyrinthe nocturne sans pépins ! Le soulagement est bien visible, même si la concentration est plus que jamais de mise. Ils me montrent toute leur gratitude quant à ma navigation ce qui me touche vraiment et me sur motive pour la fin.
Alain connaît quelques soucis avec son GPS qui refuse maintenant de fonctionner correctement. Est-ce le sable, le vent ? Tout ceci l’énerve, je vois bien que cela l’affecte.
Je lui indique que ce n’est pas grave dans la mesure où le mien fonctionne .Certainement un bug qui nécessitera un « reset » et paramétrage système. Je lui suggère de traiter cela tranquillement lors d’un prochain CP. Alain n’est pas convaincu mais reprend sa chevauchée après quelques minutes d’acharnement à essayer de solutionner son problème.
Il est 9h15 quand nous arrivons au PC8. Le vent nous glace littéralement, nous ne marquons qu’un arrêt de 25 minutes pour ne pas trop nous refroidir et en terminer au plus vite. « Je veux en finir au plus vite » nous confira Elena, et là nous sommes tous d’accord ! !
J’avale un double muesli lyophilisé ( ben oui, c’est l’heure du petit dej’, non ?), change de maillot trempé de sueur et froid au contact de la peau fouettée par le vent, et hop en avant pour l’assaut final des dunes ! ! !
Le PC9 est atteint en petites foulées au travers d’un gassin et de dunes. Le ressenti de la chaleur n’est pas intense du au vent, mais va en croissant. Finalement il n’y aura pas de vent de sable, car la tendance est bien à l’amélioration même si elle est tardive.
La luminosité croissante imprime des lueurs jaunâtres au sable tiède, fouetté par le vent et dessiné en vaguelettes. Tout n’est maintenant qu’une large étendue de sable fin jusqu’à l’infini.
Le PC9 (Km 170) est bien caché au creux d’une dune et se fait vraiment désirer car nous l’avons en visuel qu’au dernier moment. Il est facile de le manquer si on ne se fiait qu’aux repères visuels ou à son instinct.
Nous l’atteignons après 2h39 de course lente au sein d’un erg. J’ai pris quelques minutes d’avance sur mes coéquipiers qui semblent un peu marquer le pas. Mes traces sont leur guide dans cette mer de sable chauffée à blanc par un soleil au zénith.Nous sommes comme aveuglés par cette blancheur et cette forte réverbération ! Difficile de distinguer nettement les reliefs de près. L’air se met à vibrer de chaleur et les mirages refont leur apparition ….C’est simplement gigantesque ! Cette farandole de couleurs liée aux angles de vue et à la position du soleil, parfois déroutante, parfois surprenante nous émerveille et nous subjugue vraiment !
Nous y séjournons vingt minutes, toujours bien pressés d’en finir. L’accueil y est très chaleureux, familial ! Le PC est abrité de la chaleur dans une case de bambous tressés. Il y fait même plutôt bien frais, et le contraste est saisissant avec l’extérieur. Nous rechargeons en eau, nous nous hydratons correctement mais ne mangeons point. L’ambiance est franchement à la rigolade, et les plaisanteries fusent…même si Alain tempère mon ardeur à reprendre tambour battant dés son arrivée au poste ! !
Le prochain PC sera le bon, terme de notre magnifique périple….Je peux dire qu’à cet instant, sans prétentions démesurées, nous nous sentons indestructibles tellement notre volonté et notre détermination sont puissantes ! Oubliées les douleurs, l’écurie est proche ! !
Nous sommes très sereins et sentons déjà poindre cette énorme satisfaction de la tâche bientôt accomplie !
Alain et moi trottinerons jusqu’au terme du raid, tandis qu’Elena nous suivra à une courte distance, certainement un peu lasse et gérant sa fin de parcours en suivant nos traces et en évitant la surchauffe.
Nous naviguons quasiment à vue, euphoriques mais lucides, au sein de cet allegro de dunes, en tentant d’optimiser au mieux nos trajectoires pour éviter trop de crescendos et decrescendos. Hormis les dunes, le sable est bien porteur et ne recouvre qu’occasionnellement nos baskets. Les dunes quant à elles submergent totalement nos guêtres et je mesure encore là toute l’efficacité de mon « montage maison » ! Véritable écran à ce sable fin qui ne demande pourtant qu’à tout envahir ….
Le vent continue de souffler en courtes rafales, mais n’efface pas en totalité nos profondes traces.Les suivants devraient pouvoir également en profiter.
Nous repérons le jardin du waypoint 96 (Km 179. pas courant un jardin dans le désert !), puis la ligne électrique du WPT 97 (Km 182) synonyme de retour à la civilisation et …..but final ! ! Elle nous guidera jusqu’au campement des dunes, terme de notre périple.
Quel plaisir d’apercevoir des signes de vie dans ce gigantisme, et cette austérité d’une infinie beauté ! !
15h20. 24° 58.190’ Latitude Nord, 010° 12.561 longitude Est.
Notre libyan challenge est bouclé après 195 kilomètres et 52h58 minutes de course …..
Une corne Touareg et nombre de nos amis (staff technique et coureurs) nous accueillent en vainqueur .Alain et moi franchissons la ligne d’arrivée main dans la main, nos couleurs (fanion du SAVON TEAM) au vent !
Nous sommes parvenus à surmonter nos moments de doutes, repoussant nos souffrances et raffermissant notre détermination et notre persévérance dans la quête de notre aventure intérieure.
A n’en point douter, cette nouvelle aventure personnelle, humaine, sportive et culturelle laissera à jamais des traces et des souvenirs inoubliables dans nos vies !
Alain fini marqué alors que je ne ressens pas vraiment de grosse lassitude ! Certainement sous l’emprise d’un taux élevé d’adrénaline consécutif au stress de l’effort intense et prolongé !
Porteur du SAVON j’étais, porteur du SAVON je reste ! Satisfaction du parcours accompli!
Nous savourons sous la tente de l’organisation entre compères et organisateurs complices, ces instants exquis qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires, et auront des répercussions sur nos comportements et nos attitudes dans notre vie quotidienne ……
Elena nous rejoindra au bout d’une trentaine de minutes, toute rayonnante et souriante !
Comme dit un proverbe Touareg
« Au bout de la corde,………………..la tente,
au bout de l’homme,………………..la trace ! »
Ce récit serait incomplet et surtout il serait ingrat de ma part de ne pas avoir une dédicace spéciale à tous mes proches, famille, amis, compagnons de Belfort Marathon et « frères » de course du dimanche au Ballon (Michel, Roger, les David(s), Ludo, Lucia, et tous les autres …) qui me supportent au quotidien et qui participent à chaque défi personnel.
Par votre soutien sans failles, vos témoignages , notre complicité de tous les instants ce challenge réussi est aussi le vôtre !
A vous ma famille, à vous mes amis, simplement mais sincèrement un grand MERCI !
T’as vu, on voit L’Alain sur la couverture !!! Nous le “SAVON”, diront certain.