8 janvier 2007 7h58
allumage de l’ordi à peine réveillé
8h00 ça y est c’est fait, je suis inscrit à la 5 ème édition de l’Ultra Trail du Mont Blanc.
6 mois plus tôt lors de ma participation à la 4ème édition je m’étais pourtant juré de ne plus faire ce genre de course. Trop dur, trop long, trop tout. Et pourtant à partir de ce 8 janvier, plus un seul jour ne passera sans que je pense à cette course.
Un accident stupide survenu 3 semaines avant la 4ème édition m’avait laissé un gôut de revanche. Je voulais refaire cette course dans de meilleures conditions physiques, sans blessure. Ca va être loupé.
Un accident stupide survenu 3 semaines avant la 4ème édition m’avait laissé un gôut de revanche. Je voulais refaire cette course dans de meilleures conditions physiques, sans blessure. Ca va être loupé.
21 et 22 juillet
Nous participns avec Alain au Tour du Beaufortain. Un trail superbe sur 2 jours et crac…la cheville se tord. Ca fait mal et c’est pas bon pour l’UTMB dans 3 semaines!
24 aout 2007
la journée est longue à attendre l’heure de départ fixée à 18h30.
18h30 une musique pleine d’émotion nous libère sur le parcours et 2300 tarés traversent Chamonix sous les encouragements. Suite à mon entorse, c’est avec beaucoup de réserves que j’aborde cette course. Plus question d’espérer améliorer mon temps de l’année dernière (40h). Avant ma blessure, dans mes meilleurs prévisions, j’envisageais boucler les 163 km et 8900m de dev+ en 38H. Maintenant, j’éspère simplement terminer. Ce serait déjà trés bien.
C’est donc tout en prudence que j’aborde les premiers km. Chaque pas est posé à un endroit précis afin d’éviter toute complication à ma cheville douloureuse. Les montées se passent bien et sans trop de douleur. Il en est tout autre des descentes qui m’obligent à soulager au maximum mes appuis, mais ainsi à fatiguer les cuisses, et solliciter les genoux.
km 14 La Charme
passage au sommet à 1800m d’altitude en compagnie de Michel Polleti, organisateur de la course. Son opération du genou il y a quelques mois ne lui a pas permis de se préparer au mieux pour cette édition. La descente vers Saint Gervais sur une piste de ski ultra raide va réveler mes premières douleurs. Elles ne feront que d’amplifier.
km 20 Saint Gervais
Il est 21h et j’allume la frontale à l’entrée du village. Grosse ambiance, les spectateurs encouragent les coureurs. Ravitaillement, 2 verres de coca, une pincée de raisins secs et je repars. J’entend quelqu’un m’annoncer que je suis 378ème. J’ai du mal à croire à une aussi belle place et je pense qu’il se trompe.
Le chemin s’élève doucement vers les Contamines; Je sais qu’après, les choses sérieuses vont commencer avec le col du Bonhome, une longue montée qui va nous élever de plus de 1200m.
Je passe La Balme à minuit pile en compagnie de l’incroyable Werner Schweitzer (68 ans, régulièrementdans le top 20 des UTMB précédents).
km 43 Croix du Bonhome 2479m d’altitude
la montée a été dure mais s’est bien passée. Je sens que la forme est là. Ma grosse inquiétude concerne les descentes où je ne suis vraiment pas à mon aise, complètement stréssé de peur de me tordre encorel a cheville. Et dans la decente infernale vers les Chapieux, je vais être servis : un plongon de 900m de dev- empruntant des sentiers ravagés et ravinés, pleins de trous et de pièges. Les genoux me font mal. Je serre les dents à m’en faire péter l’émail. Je me traine lamentablement, et plus de 60 coureurs me doublent dans cette descente interminable et hyper raide.
km 50 Les Chapieux
2 verres de cocas, quelques carreaux de chocolat et un bol de soupe plus tard, je repars à l’attaque de la ville des Glaciers par une route montante où il est pratiquement impossible de courir. Je double quelques coureurs. La nuit est splendide, des millions d’étoiles nous recouvrent; En levant les yeux à la verticale, on peut voir les frontales des coureurs qui nous précèdent sur les pentes du col de la Seigne. Leurs lumières se prolongent dans les étoiles en se confondant dans le ciel. Magnifique !
1000m de dev+ plus tard, j’arrive au sommet du col de la Seigne. La descente qui va suivre sera pire que les précedentes. Les 2 genoux me font trés mal et une tendinite au niveau du tibia fait son apparition. Je sais maintenant à quoi correspond la fameuse tendinite du releveur. Encore un cinquantaine de coureurs m’auront doublés dans cette descente. Je me dis que cette fois ça va être trés difficile d’aller jusqu’au bout. Il y a encore beaucoup de difficultés et je ne vois pas comment je vais supporter ces douleurs aussi longtemps.
km 63 Refuge Elisabetta
un bon ravito et mes premiers anti-inflamatoires. La grimpette qui suit nous amène à l’arrète Mont Favre à 2435m d’altitude. Le soleil selève entre les montagnes et glaciers. Splendide. Tant que ça monte, ça va. Je redoute terriblement la prochaine trés grosse decente vers Courmayeur. Et ça ne loupe pas, c’est un chemin de croix remplit de douleurs. Je me demande à ce moment où est le plaisir d’une telle course. Abandonner à Courmayeur serait certainement la meilleure solution.
km 77 Courmayeur, samedi 8h24, 482ème position
Arrivé péniblement à la base d’accueil, je m’autorise quelques minutes de réflexions avant de prendre une décision sur la suite à donner à cette course. Je me rechange, mange un peu et finalement décide de repartir. Je ne suis pas venu ici pour abandonner. Je pense à tous ceux qui me soutiennent et ça m’aide. Et re-anti-inflamattoire. Dans la montée vers refuge Bertone les genoux me laissent un peu en paix. A force de réflexion, je réussis à comprendre pourquoi ce releveur me fait mal. En essayant d’économiser les mouvements de ma cheville, j’ai trop sollicité les tendons et muscles du tibia. Je m’efforce donc de reprendre un déroulé plus ample du pied et ça fonctionne. La douleur du releveur s’estompe parfois. Ca me redonne un peu le moral.
km 82 refuge Bertone
ce beau est acceuillant refuge se situe 800m plus haut que Courmayeur. Un arrêt court et c’est reparti en direction du refuge Bonatti. Ces chemins en balcon sans gros dénivelé me conviennent bien et ne font pas trop mal. J’en profite pour courir le plus que je peux. Je double quelques coureurs.
km 89 Arnuva
Je regarde ma montre car je sais que c’est ici que se situe la moitié du parcours en temps. Il est 13h, ça fait déjà 18h30 de course. Je finirais donc théoriquement en 37h. Vus mes problèmes, ça me semble peu probable. Rien que de penser encore courir pendant autant de temps m’effraie, j’essaie de penser à autre chose. C’est d’ailleurs peut-être la clef de la réussite d’une telle course : ne pas se fixer sur l’objectif final mais découper la course en succesion de petits objectifs. Chaque ravito, chaque refuge est un objectif atteignable. Diviser pour gagner en quelque sorte. C’est ici que commence la plus grosse montée de la course qui nous emmène au Grand Col Ferret à 2537m. Exténuant et chaud, le soleil ne nous quitte pas. On dirait que le temps pourri du mois d’aout a fait un break juste pour nous laisser aprécier cette course et ces fabuleux paysages. Je dépasse quelques coureurs mais d’autres me doublent aussi. Ensuite une longue descente vers la Fouly, douloureuse, aie aie aie
km 107 la Fouly
A partir d’ici, c’est un long chemin assez plat-descendant jusqu’a Pras de Fort. J’en profite pour courrir le plus que ma forme me le permet. Je fais la connaissance de David, un américain venu tester l’UTMB. J’ai du mal à comprendre son accent bien trempé. On discutera jusqu’à Champex ce qui nous permettra d’avaler plus facilement la grosse montée vers la 2ème base d’accueil.
km 122 Champex samedi 18h40
Beau village Suisse au bord d’un lac. Je me précipite vers les tables de massage pour essayer de me refaire une santé. Et oh surprise, qui est-ce que je vois arriver ? Alain et Bruno venus me réconforter, allertés par Lise sur mon moral en berne (normal on est en Suisse). Je passerai plus de temps que prévu avec eux. Soit 1h30 de pause avant de partir à l’assaut de Bovine tout requinqué par ces retrouvailles avec mes pottes. J’allume la frontale dès les premieres pentes de Bovine. Une montée qui ne laisse pas indifférent : des blocs de granit à escalader, un chemin recouvert de racines et de blocs de pierre. Ca fait mal aux cuisses. Je trace le chemin devant 3 coéquipiers de fortune; Il ne vaut mieux pas faire cette montée seul dans la nuit. Le temps est clément et j’arrive en T-shirt au sommet de Bovine avant d’entamer la descente (trop longue) vers Trient. Mes jambes ne sont que douleurs; les genoux me brulent, la tendinite me fait mal; Je me traine de plus en plus. Mais je ne suis plus le seul. D’autres semblent souffrir autant que moi et de moins en moins de coureurs me doublent dans les descentes.
km 137 Trient dimanche 0h01
à partir d’ici je sais qu’il n’y a plus qu’une seule trés grosse montée, les Tseppes. Tellement grosse la montée, que je me demande si ils n’ont pas décidé de nous rallonger le parcours; c’est interminable. Mais quand il y a grosse montée, il y a malheureusement grosse descente. Elle est pas piquée des vers la descente vers Vallorcine et c’est avec une joie non dissimulée que je parviens au ravito de Vallorcine.
km 147 Vallorcine
Encore une gentille montée vers le col des Montets. De rapides calculs m’amènent à croire que je suis en avance de 2h sur le timing fixé au départ; je décide d’appeler Lise qui a prévu de partir de Chatillon à 4h30 pour la prévenir de ce changement de planning. Je serai déjà arrivé depuis longtemps lorsqu’elle arrivera à Chamonix. Elle décide donc sagement de ne pas venir; tant pis, j’aurais tant aimé passer la ligne d’arrivée avec Agathe et Paul main dans la main. J’y ai pensé toute la nuit.
4h13 mon téléphone sonne. Oh surpise, c’est Alain : l’homme qui tombe à pic. Après le fameux et incontournable “T’es ou ?” je lui apprend que je suis à 5mn du gîte de Montroc où il m’attend. Le parcours de l’UTMB passe au pied du gîte. Il saute dans ses baskets et je le retrouve au bord du chemin. Magique! On ne se quittera plus jusqu’à l’arrivée. Alain en meneur d’allure ne cessera de me motiver à courir. Je n’en peux plus mais je parviens à m’arracher gràce à lui. On double des dizaines de courreurs à l’agonie qui ne parviennent plus à courir. Les malheureux, ils n’ont pas Alain eux. Je ne pense plus qu’à une chose : la ligne d’arrivée, mon esprit est détaché de mon corps, je ne sens plus de douleur, un seul objectif, courir pour arriver le plus vite possible à la ligne d’arrivée. La plénitude du courreur d’ultra qui touche au but ultime.
km 163 Chamonix dimanche 6h20
le jour se lève au moment ou je franchis la ligne. Je plane, je vole, heureux, un état second m’envahit. J’ai encore appris ce que voulais dire aller “jusqu’au bout de soi-même“.
35h46mn de course.
378 ème place.
Je n’en reviens toujours pas.
JL