GRP 2010
170km
10000m D+
27-28 aout 2010
Jour J-1
Florent et moi faisons le voyage jeudi de Besançon à Vielle Aure en un peu moins de 9h… c’est long, c’est loin, c’est chaud. Nous traversons Toulouse sous une température de 43°. Quand nous arrivons à Vielle Aure à 16h30 il fait 36° ! il va faire chaud dans les maillots…
Après avoir retirer nos dossards et passer au contrôle du matériel obligatoire, nous allons nous installer au camping voisin, ou un apéro nous est proposé. Nous nous couchons à 22h30 après la pasta party. Puis, lever à 3h45. Petite nuit.
Ca part vite
Le départ est donné sur la place du village vendredi a 5h, Florent et moi partons sur un bon rythme. Très vite la pente se redresse et nous alternons marche et course. Certains plus prudents, ont fait le choix de marcher uniquement.
Nous franchissons le col du Portet ensemble et rejoignons le premier ravito. Ensuite, le rythme de Flo est trop rapide pour moi et je décide de lever un peu le pied. Le parcours est encore très long et je veux m’économiser. Se mettre dans le rouge sur un parcours aussi difficile risque d’être fatale. On ne peut pas récupérer; ni dans les montées, ni dans les descentes. En plus de ça; Flo est très à l’aise dans les descentes et moi c’est tout le contraire. Craignant les torsions de chevilles, je ne parviens pas à courir relaché.
Le sentier est très technique avec beaucoup de rochers et pierres. Flo prend pas mal d’avance sur moi et je me fais dépasser dans chaque portion descendante. Ca me mine le moral.
Chaussures
Remarque au passage : on a intérêt ici à porter de bonnes chaussures : semelle Vibram obligatoire, bon maintien latéral et surtout très bonne protection du devant du pied. Moi, je n’avais que la semelle Vibram. Résultat : de nombreux coups donnés dans les rochers ont eu raison des mes orteils.
Que la montagne est belle
Le parcours jusqu’au col de Bastanet est superbe : de petits lacs tout bleu entourés de montagne recouvert de pins et de rochers. Trés sauvage. La descente qui suit est beaucoup moins drôle pour moi car c’est un dénivelé négatif de 1300m et assez raide. Encore pas mal de coureurs qui me doublent et j’arrive au ravito d’Artigues au km 30, déjà bien éprouvé.
Je connais le parcours et je sais ce qui nous attend : une montée très longue jusqu’au Pic du Midi en passant par le col de Sencours, soit 1700m D+ sans répis et en plein cagnard. Les coureurs partis trop vite tombent comme des mouches.
Cette montée est magnifique. Nous traversons des troupeaux de moutons peint en bleu, nous évitons des cadavres de moutons bleus (hostile la montagne), les vautours planent au dessus de nous, majestueux.
La montée au Pic du Midi est une nouveauté 2010. L’année dernière nous nous arrétions au col de Sencours. Cette année c’est un effort supplémentaire d’ 1h30. C’est le même chemin qui monte au pic et qui descend. Nous croisons ainsi les premiers coureurs qui descendent. C’est sympa de s’encourager mutuellement. Arrivé presque au sommet du Pic, je croise Flo qui redescend. On dirait qu’il a perdu un peu d’avance dans la montée. On s’encourage sans s’arrêter.
Comment peut-on s’immaginer
Ce qui nous attend après est assez redoutable : une succession de 4 cols sur des chemins techniques. Je me souviens que cette portion l’année dernière m’avait parue trés longue et difficile. Arrivé au premier col (col de la Bonida) je tombe sur Flo qui est assis, sans force et malade. Je m’arrête pour prendre de ses nouvelles. Il ne peut plus rien avaler ni boire. Il n’a plus de force.Je l’encourage et lui conseille de repartir calmement en attendant que les forces reviennent. Je pars devant en lui disant qu’il n’allait pas tarder à me rattraper étant donné que je ne vais pas aller très vite dans la descente.
En plus, les forces commencent sérieusement à me manquer. Flo me dépasse comme prévu. Je franchis le col d’Aoube, puis retouve Flo assis au bord du chemin. Il me dit qu’il n’en peut plus. Rien ne passe, il ne peut plus s’alimenter. Je m’assois à côté de lui quelques instants. Je ne suis pas brillant non plus. Je ne pense pas pouvoir boucler le parcours dans cet état. Je me motive pour repartir et abandonne Flo qui va tenter de poursuivre jusqu’au prochain ravito.
Le passage du col de Bareille et de l’Hourquette d’Ouscouaou se fait dans les nuages et l’humidité.
Dur dur
A ce moment, c’est un calvaire : les montées sont hyper raides et les descentes trés cassantes. Je dérouille. Il reste 120km, je pense sérieusement à abandonner, quelle horreur, moi qui n’ai jamais abandonné une seule course… J’arrive péniblement au ravito d’Hautacam. C’est une femme pompier qui tient le ravito. Un vrai tyran, on ne peut rien prendre sans son autorisation, elle gueule après tout le monde et ça me fait rire. Je lui prend un bouteille des mains juste pour la faire brailler. Ensuite c’est une longue descente de 1100mD- qui nous amène à la première base vie de Villelongue, km 74.
Durant cette descente j’ai eu l’occasion de discuter avec des coureurs et ça m’a redonner un peu le moral. Arrivé à Villelongue, l’envie d’abandonner avait complètement disparue. Même si j’ai très mal aux jambes, je me dis que ça va aller. Je téléphone à Lise pour donner des nouvelles. Elle m’annonce que Flo a finalement abandonné à Hautacam. Je suis très déçu pour lui.
Après une pose de 30mn et une poignée de pattes avalée, je repars pour une ascension de 1600mD+ jusqu’au col de Contente.
Sous les étoiles et la pleine lune
Cette année on évite le Cabaliros mais ce n’est pas plus simple car ce col est difficile à atteindre, surtout de nuit. Je fais l’ascension avec 2 Toulousains, un rasta blanc et un ancien rugbyman. On discute et le temps nous parait moins long ainsi. Nous parvenons au Turon de Bene à 21h.
Le rasta blanc finira par coincer dans la montée et le rugbyman partira devant dans la descente, il est bien plus rapide que moi. Je me retrouve seul dans cette descente de 1200mD- qui nous amène à Cauteret. Un sentier tortueux interminable. Les cuisses souffrent. Arrivé (enfin) au ravito de Cauteret je retrouve le rugbyman pas trop vaillant; ici, plusieurs coureurs sont étendus sur des lits de camp. Certains perfusés, d’autres, simplement endormis. J’en récupère un in extremis qui tombe dans les vappes et je l’aide à s’allonger. Allez, ciao, je m’en vais, c’est pas la joie ici.
Il est 1h du mat. J’entame la montée du col de Riou, longue mais régulière montée de 1000mD+, les jambes vont pas trop mal. Je fais une partie de la montée avec un Grenoblois, on discute puis après une trentaine de minutes il décide d’accélérer; Vas y mon gars, moi je monte à mon rythme. Le ravito suivant se situe dans une station de ski (Luz Ardiden). Il y règne ici un calme étrange; très peu de coureurs, peut-être 5 ou 6, pas un bruit, ça fout la trouille. Je ne m’éternise pas et entame la descente vers Luz Saint Sauveur.
Parcours glissant
Ca commence mal, car le nouveau parcours que nous a concocté l’organisation emprunte des sentes de moutons à travers champs en dévers dans l’herbe glissante sur une pente vertigineuse. Ca glisse, ça tord les cheville, ça énerve… Le traceur a dut se casser la tête pour nous trouver des chemins abandonnés. Il faut faire sa trace parmi les arbres et les fougères. Je fais la descente en compagnie d’un parisien qui me raconte sa vie. Je l’écoute sans participer à la conversation, pas passionnante. Le rythme est lent donc la descente est longue.
Une pause s’impose
J’arrive quand-même à la deuxième base de vie de Luz Saint Sauveur à 6h du mat. La première chose que je fais est de sauter sur une table de massage pour me faire masser les jambes en éspérant que ça me donnera un peu de force pour la suite. Je me fais également soigner le dos brûlé par les frottements du sac. Je me soigne un peu les pieds qui souffrent. Une poignée de pattes, 2 verres de coca, un bol de soupe, du fromage avec un Tuc et c’est repartis. 1 h de pause tout de même.
Il fait jour maintenant
Je sais que cette montée est la dernière grosse difficulté, 1600mD+ ! Une montée découpée en 2 parties : la première jusqu’à Tournaboup emprunte des sentiers parfois roulant, parfois très raide mais sans difficultés majeures. A partir de Tournaboup le chemin est beaucoup plus techniques, recouvert de blocs de granit rendant la progression difficile. Le paysage est magnifique, hyper sauvage, grandiose.
Il fait chaud, le soleil pique. Au 3/4 de la montée, la cabane d’Aygues Cluzes nous propose un ravito. Uniquement à boire. L’endroit est maginfique est invite à s’allonger dans l’herbe en contemplant le paysage, mais je m’autorise pas ce luxe.
Rencontre du 2ème type
Je repars vers le col de Barrèges et soudain, en levant la tête vers le sommet, je vois se détacher une forme connue : c’est Florent qui viens à ma rencontre. Je ne cache pas ma joie de le retrouver. Il me propose de m’accompagner quelques km jusqu’au col de Portet où il a garé sa voiture. Cette idée me convient parfaitement et me redonne du courage. On parcourrera ainsi des endroits magnifiques, longeant des lacs bleus entourés d’herbe verte parsemé de rochers de granit (ouille mes orteils!)
Ici, dans le domaine de Neouvielle, dans les années 70, il était prévu de construire une méga statioin de ski, détruisant toute cette beauté sauvage. Un homme a combattu ce projet, quasi seul et y est parvenu à force d’obstination. Il s’agit du patron de notre camping. Nous lui devons tous de pouvoir profiter de ces endroits maintenant protégés.
Nous remontons jusqu’au restaurant de Merlans ou se situe le dernier ravito. Là, Flo m’indique que j’occupe la 93ème place et que je dois absolument finir en dessous la 100ème place. J’accepte la mission, en sachant que ce sera très dure car les descentes sont terrible pour mes jambes, je ne parviens plus à courir véritablement et je risque de me faire dépasser par plusieurs coureurs. Dans la dernière montée de 200mD+ j’en double déjà 3, c’est toujours ça de pris.
La descente aux enfers
Malheureusement, 20mn plus tard, dans la descente les 3 coureurs vont me dépasser. Je serai incapable de les suivre, les poteaux qui me servent de jambes ne répondent plus, ça fait mal, c’est long, ç’est raide … La descente est interminable. je stresse à l’idée de me faire dépasser et je donne tout ce que j’ai.
Arrivé au village de Soulan je retrouve Flo accompagné du Lémur Team (Nicolas Darmaillac, vainqeur du GRP 2009, excusez du peu) qui m’encouragent. Ca fait chaud au coeur. Je courre le plus vite possible, à bout de souffle.
L’arrivée au paradis
A l’entrée de Vielle Aure je retrouve une nouvelle fois Flo. Je n’ai même pas la force de lui parler, envahi par l’émotion. Je coure encore plus vite, je sprinte, je suis à fond. 100m avant l’arrivée, une poignée de gamins se joignent à moi pour partager ce final dans les rires, les pleurs et les encouragements.
Je franchis la ligne d’arrivée à 17h à la 92ème position, au terme de 35h58mn de course, soit 50 secondes de moins que l’année dernière… j’aime pas arriver en retard… la précision du p’tit Suisse…
Vidéo dans laquelle vous verrez Florent en train de se reposer, ainsi que le rasta blanc.
Et quelques photos :
http://www.flickr.com/photos/akunamatata/sets/72157624726089453/show/
bravo pour ce discours et pour ton classement, je vous ai suivi les deux, je ne m inquiete pas pour Flo il aura sa revanche
Je suis épuisé, je viens de vivre à fond ta course et je me sens toujours petit à côté de toi. Bravo bonne récup à vous 2. A bientôt en Live.
Très beau récit, j’avais l’impression de courir avec vous !
Sur mon île, il existe des courses du même type. Quel courage vous avez. Bravo !
Chriss sur son îlet à l’île de La Réunion