UTMB 2008

Ultra Trail du Mont-Blanc
29-31 aout 2008
166km
9400m de dénivelé

Le départ est donné vendredi 29 aout 2008 à 18h30. 2350 coureurs radieux s’élancent à travers Chamonix. Il sonne le glas de plusieurs mois d’attente, de préparation, d’entrainement et de stress. La météo est idéale, aucune pluie n’est prévue pendant le week-end. La foule de spectateurs est compacte et chaleureuse jusqu’à la sortie de Chamonix. Philippe est là pour nous encourager dès les premiers kilomètres. Il sera mon fil rouge tout au long de la course, du début à la fin.
Je pars un peu plus vite qu’Alain, Jean-Pierre et Didier, mais le rythme me convient. Je suis rassuré de savoir qu’ils vont courir les 3 ensemble. Je double plusieurs dizaines de coureurs sur les premiers kilomètres bien roulants. La première montée vers la Charme passe bien. J’adopte une marche rapide et apprécie le paysage : le coucher de soleil sur la massif est de toute beauté.

Sur une partie un peu plus roulante, je double Bruno Poirier (organisateur de courses himalayennes) et j’en profite pour lui signifier mon regret d’avoir subit l’annulation de la course du Ladhak à la quelle j’étais inscrit en juillet. Je lui souhaite bon courage pour la suite de la course.

Je passe au sommet de la Charme à 20h15 à la 340ème place. J’aborde prudemment la descente vers St Gervais que je connais depuis l’édition 2007. C’est une longue et raide descente qui emprunte une piste de ski et un chemin goudronné. Ceux qui dévalent la pente sans retenue vont le payer. Bruno me repasse dans la descente. J’apprendrai bien plus tard qu’il abandonnera aux Contamines.
J’arrive à St Gervais à la tombée de la nuit (21h03). L’ambiance ici est grandiose. Beaucoup de spectateurs encouragent les coureurs. C’est d’ailleurs le seul aspect positif du passage à St Gervais.
La montée vers les Contamines s’avère un peu plus délicate, je ressens les premières traces de fatigue, je n’ai plus de jus, plus de jambe, le moteur ne tourne plus rond, et le moral s’en ressent. Lorsque je retrouve Philippe, peu avant les Contamines, je me demande comment je vais faire pour boucler ce grand tour. Je doute. Philippe m’encourage, coure quelques minutes avec moi et ça m’aide.
Je parviens aux Contamines à 22h32 en 412ème position. Je téléphone à Lise qui m’encourage et m’indique que le trio (Alain, Jean-Pierre et Didier) est 1h derrière moi. Etant donné ma baisse de forme, je pense que je ferais mieux de les attendre pour continuer avec eux.

Je traverse Notre Dame de la Gorge dans une ambiance chaleureuse et festive. C’est la fiesta ici. Puis j’entame la première grosse montée vers le Col du Bonhomme. Ici aussi, pas mal de spectateurs et de suiveurs qui nous encouragent. Je sens que la forme revient petit à petit. J’aperçois par moment une lumière clignotante rouge fixée sur le dos d’un coureur. Je le double, et il me double. L’ascension se déroule en 2 phases : la 1ère jusqu’au Col et la 2ème jusqu’à la Croix du Bonhomme que j’atteins samedi à 1h31. Le passage de ce sommet indique le début de la descente que je crains le plus : celle qui plonge vers les Chapieux. 5,5km de descente très cassante et dangereuse. Je connais bien cette descente et je m’en méfie. Je coure prudemment, je laisse quelques trompe-la-mort me doubler. Soudain, j’entends devant moi un cri qui déchire la nuit et quelques secondes plus tard, je vois un gars étendu par terre qui se tord de douleurs en se tenant la cheville. Il est entouré de 3 coureurs qui lui portent assistance. Sa course s’arrêtera là. Je poursuis mon chemin en espérant ne pas subir le même malheur. Je fais la descente en 50mn, ce qui n’est pas rapide mais qui m’aura permis d’atteindre les Chapieux sans casse à 2h22 soit 7h50 de course pour 50km parcouru en 429ème position. Le ravitaillement est généreux et je m’alimente correctement (soupe, chocolat, raisins sec, coca). Je repars après 15mn de pose.
Je suis en avance sur mon temps de passage de l’année dernière et ça me réconforte.
La montée vers la ville des Glaciers emprunte un chemin goudronné que je parcours en marchant d’un bon rythme en compagnie d’un parisien. Nous discutons tout au long de cette route, tout feu éteint pour admirer les milliards d’étoiles qui recouvrent le ciel.
Je l’abandonne dès le début de la très longue montée vers le Col de la Seigne. Je ne me souvenais plus comment cette montées était longue et pentue. Interminable… Arrivée au col à 4h41 (bienvenue en Italie) puis descente vers le lac Combal et son ravitaillement à 5h27.
J’apercois à nouveau la lumière clignotante rouge dans l’ascension de l’arrête Mont-Favre. J’éteins la frontale car les premières lumières du jour apparaissent.

Je suis en super forme et je double plusieurs coureurs (dont la luciole rouge). Je parviens à courir sans arrêt jusqu’au col Checrouit, puis je dévale la pente vers Courmayeur. Lors de mes 2 derniers UTMB, cette descente avait été un calvaire tellement j’avais mal aux jambes. Là, je parviens à courir complètement relâché ce qui me permet de doubler plusieurs coureurs. Que du bonheur.
J’arrive à Courmayeur à 7h45 après 13h15mn et 76km de course. La dernière descente m’a couté 2 ampoules que je décide de faire soigner pour éviter les complications. Hasard de course, je rencontre un Islandais (Borkur Arnasson) qui a finit 4 places devant moi l’année dernière. Je mange quelques pates, coca, change de maillot et repars après 45mn de pose. Les rues de Courmayeur sont bien calmes au petit matin. A la sortie de Courmayeur je rattrape le colosse Islandais qui a le souffle court. Il est apparemment moins en forme que l’année dernière. Je l’encourage et le dépasse (il va craquer et terminera 728ème en 41h51). La montée vers Bertone est très raide. Le soleil commence à taper et l’arrivée au refuge Bertone fait du bien.
Je connais bien ce chemin en balcon qui mène jusqu’au refuge Bonatti où j’arrive à 11h10. Nous faisons signe comme des gamins à l’hélicoptère qui filme la course juste au dessus de nos têtes.

Je fais la descente vers Arnuva sous une forte chaleur (12h05). A partir d’Arnuva commence l’ascension du Grand Col Ferret, le point le plus haut du parcours, que je vais devoir me taper au plus chaud de la journée. J’ai pris la précaution de bien m’alimenter et m’hydrater avant la montée. Je bois régulièrement mais j’ai la sensation de me déshydrater à chaque pas. J’ai du plâtre dans la bouche. J’ai besoin d’aide et je passe un coup de fil à Lise. Comme disait la pub : le bonheur, c’est simple comme un coup de fil. Je monte le col à un rythme prudent et je parviens au sommet complètement fourbu à 13h34 en 329ème position.
Je ressens alors un gros coup de blues et c’est en larmes que j’entame la descente. Cette course est traumatisante physiquement mais aussi mentalement. Sans trouver d’explication, ce spleen me fera du bien et me soulagera. J’espère croiser Philippe que je cherche désespérément tout au long de la descente. Mais pas de Philippe. L’organisation a choisi de modifier la fin de la descente et nous fait emprunter un sentier hyper cassant avant la Fouly. Je passe devant l’Hotel des Glaciers (je vous le recommande) tenu par Maurice. Je le cherche sans le voir et décide de pousser jusqu’au ravito de la Fouly sans m’arrêter car j’ai besoin de me reposer et m’alimenter le plus vite possible (15h00, 312ème position).

A partir d’ici, c’est un long chemin en balcon légèrement descendant ou je parviens à courir d’un bon rythme. Et au moment où je ne m’y attendais plus, je tombe sur Philippe. Nous courons ensemble jusqu’au village de Praz de Fort. Là se trouve un ravito clandestin tenu par 3 gamines du village, 1 table, 3 verres, 2 bouteilles d’eau, un tuyau d’arrosage : le plus sympa des ravitos du parcours. Philippe me laisse continuer seul car il veut aller à la rencontre d’Alain et Jean-Pierre (Didier a abandonné à Courmayeur).
Je fais la montée d’un bon pas vers Champex avec un dénommé Julien (il terminera juste devant moi).
Arrivé à Champex à 17h32 en 257ème position. J’apprend par Lise qu’Alain et Jean-Pierre sont au col Ferret. J’espère qu’ils ne souffrent pas trop et suis content et rassuré de les savoir toujours ensemble. Je téléphone à Philippe pour lui donner leur position ce qui lui évitera d’attendre trop longtemps. Je me fais masser par 2 élèves kiné faisant partie de l’école de kiné de Besançon. Et juste à côté de moi se trouve ma voisine de Chatillon-le-duc qui est également élève kiné à Besançon. Quel hasard. Quelques pates, coca et yaourt, et je repars après 1h de pose en direction de Bovine. Je suis content de pouvoir faire l’ascension de ce monstrueux Bovine de jour. Je l’avais fait de nuit lors de mes 2 éditions précédentes dont une sous la pluie avec Alain ; c’était l’horreur. Cette fois, rien de tout ça. Il fait jour, limite chaud et j’arrive au sommet à 20h36.
J’en repars en compagnie de 2 gars, dont Eric le Toulousain qui mène la cadence dans la descente vers la Forclaz. Nous descendons en courant vite et dépassons pas mal de coureurs. Arrivé au col de La Forclaz, nous retrouvons Philippe qui nous accompagne quelques minutes. Il est rassuré de me voir en bonne compagnie et nous abandonne en nous donnant rendez-vous à Trient. Nous arrivons avec Eric à Trient à 21h49. Nous décidons d’essayer de finir le parcours ensemble. Il n’est pas prudent de passer la dernière nuit tout seul. Philippe nous accompagne quelque temps dans la très longue montée des Tseppes que l’on gravit à un rythme plutôt sage. Nous doublons Magali qui semble peiner et qui ne parviens pas à suivre notre rythme. Je pourrais monter plus vite mais je sens qu’Eric ne pourrait pas suivre. Philippe nous quitte en nous donnant rendez-vous à Vallorcine. Connaissant le parcours, j’estime pouvoir y arriver à 1h du matin. Ce n’est pas sans joie que nous parvenons au sommet à 23h36.
La descente vers Vallorcine est longue et pénible. Nous parvenons au ravito dimanche à 0h45. Nous y retrouvons Philippe et repartons ensemble, avant de se séparer en se donnant rendez-vous au col des Montets. Avec Eric, nous n’essayons pas de courir. Nous nous contentons de marcher vite en nous économisant avant la dernière montée terrible. Philippe nous attend au col des Montets et nous attaquons ensemble la montée vers la Tête au vent avant de se séparer et se donner rendez-vous à l’arrivée. La montée s’avère extrêmement difficile, plus difficile que toutes les montées gravies jusque là : des blocs à escalader, des marches, des dalles glissantes. Nous en voulons à l’organisation d’avoir choisi ce parcours final. Beaucoup trop dangereux à ce stade de la course.
Nous parvenons enfin à la Flégère à 4h06 et nous repartons avec Eric et 2 autres compagnons, dont un qui mène la cadence dans la descente finale vers Chamonix. Nous avons du mal à suivre son rythme et les jambes sont complètement fracassées. Nous doublons pas mal de coureurs en perdition et arrivons dans Chamonix à un rythme effréné. Nous avons couru tellement vite que je n’ai pas eu la possibilité de boire pendant la descente. Les rues de Chamonix sont quasi vides. Seuls quelques fêtards sortant de boite trainent encore dans les rues. J’aperçois Philippe qui nous attend et nous encourage.
Nous franchissons la ligne d’arrivée tous les 4, main dans la main, à 5h12. Je termine 215ème en 34h40. Heureux !

Epilogue:
Eric m’apprend qu’il portait une lampe clignotante rouge dans le dos lors de la première nuit. C’était lui la fameuse luciole.
Florent termine 180ème en 33h37
Jérôme termine 552ème en 39h53
Alain et Jean-Pierre finissent 755ème et 756 ème en 42h02mn
Bruno, sur le CCC, termine en 19h54
Sergio, Didier, Luc et Claude ont été contraint à l’abandon.
Philippe a suivi la course du début à la fin en s’autorisant à dormir que 2 heures. Il a fait tout son possible pour suivre notre équipe partagée entre UTMB et CCC (Alain, Jean-Pierre, Didier, Sergio, Bruno, Luc, Claude, Florent, Jérôme et moi). Il m’a rencontré et encouragé à 9 reprises, je m’en souviendrai longtemps.
Lise, ma petite femme, m’a encouragé et suivi depuis chez nous en permanence. Son aide et sa présence m’ont été d’une aide capitale.
Antoine, Agathe et Paul, mes enfants m’ont soutenu et m’ont aidé à finir.
Mes copains que je ne citerai pas mais qui se reconnaitront, ont été d’une aide précieuse.
A toutes et à tous, je dis merci.

JL

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