Petite Trotte à Léon (PTL 2013)

Notre envoyé spécial Léon Balmat(1) a rencontré l’équipe RUN ET SENS qui termine 3ème de la PTL, une course dantesque autour du Mont-Blanc.
Equipe 1 septembre 2013

Léon Balmat : Jean-Luc, Florent, vous avez participé la dernière semaine d’Aout à la PTL. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement cette épreuve ?
Florent : La PTL (Petite Trotte à Léon) est une épreuve qui se déroule au départ de Chamonix sous la forme d’un circuit en moyenne et haute montagne long de 300 kilomètres et comportant environ 25000 mètres de dénivelé positif. Le parcours fait le tour du massif du Mont-Blanc en traversant d’autres massifs avoisinants. Cette année, les organisateurs avaient choisi de mettre le cap à l’ouest en faisant découvrir aux concurrents le massif des Fiz, des Aravis, du Beaufortain. L’enchaînement infernal de cols (33 au total) font aussi qu’il n’y a quasiment jamais tout au long du parcours de portions ou l’on peut avancer sans effort.
Léon Balmat : Outre la longueur et le dénivelé, la PTL présente d’autres différences avec les autres trails ?
Jean-Luc : L’itinéraire emprunté par la Petite Trotte à Léon comporte des passages techniquement plus difficiles que ceux rencontrés sur la plupart des trails. Il requiert des participants de bonnes connaissances du milieu de la moyenne montagne et des techniques de navigation avec GPS et de posséder les connaissances nécessaires à l’utilisation d’une carte, d’une boussole et d’un altimètre puisque le parcours n’est pas balisé. Des passages présentent des dangers objectifs : pentes raides, risques de chutes de pierres, sentiers très étroits, traversées d’éboulis et de névés, absence par endroit de sentiers ou de traces clairement définies…
Florent : La descente du col de Trè l’Epaule dans les Fiz était ainsi très technique avec de nombreux passages équipés de cordes qui s’apparentaient à de l’escalade. Lors de la descente du col du Breuil en Italie, nous nous sommes équipés de petits crampons afin de descendre des névés très raides et qui au petit matin étaient complètement gelés. La montée du pas de Saix, de la brèche de Parozan, du col de la Nova ou du col des Planards, aux noms évocateurs, s’apparentaient également plus à de l’escalade qu’à du trail. En effet, ces montées se sont faites hors traces dans des pierriers abruptes où il valait mieux éviter de se rater …
L’altitude est aussi une spécificité de ce parcours avec le franchissement de plusieurs cols à près de 3000 mètres avec pour point d’orgue le col du Breuil (2877 m) ou le col de Malatra (2926 m)

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Léon Balmat : D’autres spécificités ?
Florent : Oui, tout d’abord, ce n’est pas une épreuve individuelle, elle est réservée à des équipes de 2 ou 3 personnes dont une au minimum doit avoir terminé par le passé, l’UTMB ou le TOR DES GEANTS ou une des précédentes éditions de la PTL.
Ensuite, la Petite Trotte à Léon ne peut pas être considérée comme une épreuve compétitive et par ce fait, ne donne pas lieu à un classement officiel. En effet, le parcours n’étant pas balisé, les concurrents n’empruntent pas exactement le même itinéraire selon leur position puisque des parcours de repli sont prévus afin d’éviter les cols les plus exposés. Ainsi, le mardi en fin de journée, de violents orages de grêle puis de la neige nous ont frappés dans les Aravis, au col des Verts (2500 m). Seuls les premières équipes dont nous faisions parties ont ainsi été autorisées à le franchir. Les équipes plus attardés ont ensuite été détournées sur un col moins exposé afin de rallier le parcours initial.
En fait, l’objectif unique de toutes les équipes au départ est de rallier l’arrivée dans le délai imparti, soit 136 heures. Le départ étant donné de nuit, le lundi à 22 heures, il nous fallait donc rallier Chamonix et la place de l’Amitié avant le dimanche 15 heures.
Jean-Luc : Le parcours n’est pas balisé et le plus souvent loin de zones habitées. Nous avons à plusieurs reprises parcouru plusieurs dizaines de kilomètres sans voir âme qui vive si ce n’est quelque marmottes ou bouquetins. De plus, le parcours est à réaliser en autonomie complète. Toute assistance est interdite à part dans les trois « bases de vie » mises en place par l’organisation où les concurrents pouvaient trouver gîte et couverts ainsi que des sacs d’allègement.
Léon Balmat : Si je comprends bien, vous étiez donc souvent loin des zones habitées. Du coup, comment faisiez-vous pour vous ravitailler ?
Florent : Hormis les 3 bases de vie mises en place par l’organisation, il y avait peu d’endroit où nous pouvions nous ravitailler. Cependant, quelques refuges avaient accepté de jouer le jeu et attendaient les concurrents jour et nuit quelle que soit l’heure de notre arrivée. Nous avons ainsi pu prendre 2 petits déjeuners aux refuges de Véran le mardi matin et du petit Tétras le mercredi matin.
Jean-Luc : je me souviens des pâtes du refuge de Véran qui étaient immangeables.
Florent : Nous nous sommes également arrêtés au refuge de la Pointe Percée le mardi soir et au refuge Frassati le jeudi soir où nous avons pu faire des repas complets et copieux. Enfin, comment oublier l’accueil de l’hôtel du Crêt à Bourg Saint Pierre vendredi en début d’après-midi où le patron des lieux s’est plié en quatre pour nous sustenter et nous satisfaire. Merci monsieur l’aubergiste, je n’oublierai pas votre plat de spaghettis. Enoooorme !
Léon Balmat : Le fait d’être souvent éloigné des zones habitées et de parcourir des espaces sauvages  vous obligent j’imagine à transporter du matériel avec vous. Vous pouvez nous détailler ce que vous aviez dans votre sac ?
Florent : Oui bien sûr. En fait, l’organisation demande à tous les concurrents un paquetage minimum. Il est composé d’un sac bien sûr, de vêtements et d’un équipement destinés à se protéger de la pluie et du froid (3 Tshirts dont 2 longs, un pantalon long, une tenue de pluie complète étanche et respirant, un bonnet, de gants, une couverture de survie, une tente de bivouac). Ensuite, il faut se protéger du soleil, donc casquette et lunettes obligatoire. Une trousse médicale permettant de faire face aux tracas d’une telle épreuve était également requis (strap, pommade, désinfectant, cicatrisant, anti vomitif, anti douleur, anti tout….). Nous avions également 2 frontales avec piles de rechange afin de nous permettre de voyager de nuit sans encombre et bien sur le matériel de navigation, carte, boussole, altimètre et bien sur le GPS aves les piles de rechange nécessaires. Pour terminer, l’eau et la réserve alimentaire. J’estime pour ma part que mon sac devait peser 8 kg au départ de chaque base de vie.
Jean-Luc : ayant souffert l’année dernière lors du GRP 240 d’une rupture du faisceau nerveux au niveau de l’épaule gauche, je me suis attaché pour cette PTL à soulager au maximum l’effet du sac à dos sur les épaules. Je portais 2 gourdes de 750ml à la ceinture. Mon sac à dos pesait aux alentours de 5kg et il  reposait sur la ceinture porte gourdes,  donc sur le bassin. Je n’avais quasiment aucun poids sur les épaules.
Léon Balmat : Vous vous êtes vraiment engagé dans une folle aventure. Etiez-vous nombreux à prendre le départ ?
Florent : Pour des raisons de logistique, l’organisation avait limité la participation à 80 équipes de 2 ou 3 personnes. néanmoins, il y a du avoir quelques passe-droits puisque c’est finalement 92 équipes qui ont pris le départ. De plus, nous avons entendu à l’arrivée de la part des organisateurs que le parcours était pensé pour que le début soit le plus sélectif possible afin d’éliminer rapidement les équipes les moins aguerries et pas prêtes à affronter une telle épreuve. Je crois qu’ils sont arrivés au résultat escompté puisque à l’issue des premières 24 heures et de la traversée des Fiz et des Aravis très techniques avec des passages engagés, une vingtaine d’équipe avait déjà abandonné.
Léon Balmat : Vous connaissez un peu le profil des personnes qui composent ces équipes ?
Jean-Luc : Pas vraiment car nous ne connaissions pas grand monde. Ce que je peux dire, c’est que la plupart des participants sont des traileurs aguerris aux longues distances puisque la participation d’une équipe était conditionnée à ce qu’au moins un des coéquipiers ait terminé l’UTMB, le Tor des Géants ou une édition précédente de la PTL. Il y avait beaucoup d’étrangers puisque c’est une équipe anglaise qui termine en tête devant une équipe finlandaise. Nous avons également vu dans la liste des équipes des japonais, des américains, des brésiliens mais aussi des européens de tout horizon : des allemands, des belges, des danois, des suédois, des espagnols et bien sur des voisins suisses et italiens. Il y avait une forte communauté franc-comtoise avec la participation de 5 ou 6 équipes. Cette année, la Franche-Comté était à l’honneur à Chamonix.

Léon Balmat : Vous m’avez dit que cette épreuve n’avait pas de classement officiel mais là vous me parlez d’une équipe qui termine en tête. N’est-ce pas contradictoire ?

Florent : C’est juste, il n’y avait pas de classement officiel et l’objectif premier de chacune des équipes était de rejoindre Chamonix avant le dimanche 15 heures. Néanmoins, on a vite senti que l’esprit de compétition était bien présent. De toute façon, du moment que l’on met un dossard, il y a forcément une idée de classement qui apparaît même s’il n’est pas officiel.
Léon Balmat : Et alors, comment vous êtes-vous comporté?
Jean-Luc : Notre résultat est au-delà de nos espérances puisque nous avons fini cette trotte en 3° position 1ère équipe Française !. C’est incroyable : un podium à Chamonix. Nous n’avions pas envisagé ça, même dans nos rêves les plus fous. Nous sommes arrivés à Chamonix samedi matin à 11 heures soit en 109 heures, respectivement 6 heures et 4h30 derrière Flippers Gang, l’équipe britannique et North Js l’équipe finlandaise.
Léon Balmat : Félicitations ! Si vous avez si bien terminé, c’est donc que vous avez fait la course ?
Florent : Oui et non. En fait, nous avions établi un tableau de marche que nous nous sommes efforcé de respecter le plus longtemps possible. Très vite, dès le premier col, le Brévent, nous nous sommes rendu compte à notre grand étonnement que ce tableau de marche nous plaçait dans le paquet de tête. Ainsi, dès la première journée jusqu’à la première base de vie au plan de l’Aar, nous avons navigué entre la 5° et le 10° place mais sans faire la course, uniquement en respectant notre plan de marche. A cette base de vie, nous avions programmé un arrêt de 4 heures pour un départ à 2 heures du mat. Nous l’avons un peu raccourci car nous sommes arrivés une heure plus tard que prévu. Par contre, nous avons respecté l’heure de départ. C’est lorsque nous nous sommes arrêté un peu plus loin au refuge du Petit Tétras pour déjeuner que nous avons compris que ce plan de marche nous avait placé en tête. A notre entrée dans le refuge, nous avons découvert l’équipe finlandaise North Js qui se levait !!!  Good morning !!
Ensuite, au col de Véry, sur un sentier en terre battue immaculée, sans aucune trace de chaussures, nous avons compris à notre grand étonnement que nous étions en tête. Plus tard, dans la journée, les britanniques puis les finlandais nous ont rejoint puis dépassé. Nous n’avons pas essayé de les suivre car nous avons vite compris qu’ils étaient plus rapides que nous. Les suivre nous aurait conduit je pense à la catastrophe. Malgré cette position avantageuse, nous avons donc continué à appliquer notre feuille de route.
Léon Balmat : Vous me taquinez là. J’ai regardé l’évolution de votre classement au cours de la course et j’ai noté que malgré une arrivée tardive par rapport aux 2 premières équipes à Echines-Dessus mercredi soir, vous repartez en tête pour l’attaque du col du Breuil jeudi matin?
Jean-Luc : Non je vous assure, regardez notre tableau de marche. Nous avions programmé un départ à 2h20 et nous sommes reparti à 2h27 en respectant à la lettre nos prévisions. Bon allez, j’avoue que nous avons tenté un coup de bluff à cette halte. En effet, nous avons bénéficié de la collaboration des 2 charmantes bénévoles jurassiennes qui nous ont indiqué l’horaire de levée de nos concurrents britanniques et finlandais qui à notre arrivée étaient déjà allongés. Fort de ce renseignement, nous avons décidé de partir avant qu’il ne se lèvent respectivement à 3 heures et 2 heures 30. Nous avons tenté de leur mettre un peu de pression. Nous leur devions bien ça car lors de nos précédentes rencontres en cours de journée, leur réponse sur leur lieu de repos était toujours évasive afin à mon avis de ne pas dévoiler leur plan.

Léon Balmat : Et vous pensez que ce coup de bluff a réussi ?

Florent : Oui je pense. Durant toute la montée au col du Breuil (environ 2000 m de dénivelé positif) et les 4 heures que cela a duré, nous les avons vu chasser grâce à la lumière de leur frontale. Je suis persuadé qu’ils ont forcé leur rythme dans la montée pour nous rejoindre avant son sommet. En tout cas, nous, cela nous a permis de monter à notre rythme sans taper dans nos réserves.
Jean-Luc : Cette tactique nous a permis de nous retrouver à 4 équipes en tête le jeudi matin car la seconde équipe de finlandais qui a du faire une pause très courte à Echines-Dessus et a réussi à nous rejoindre. S’en est ensuite suivi pendant plus de 3 heures une belle partie de manivelles comme on dirait dans le jargon cycliste entre le col du Breuil et le col du Bério Blanc entre les 4 équipes de tête où personne ne voulait lâcher. Cela nous a également permis de faire une belle photo de groupe au col de Chavanne où d’un accord tacite, les 4 équipes ont fait une pause. Un moment de course inoubliable.
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Florent : Je pense que cette tactique a contraint la 2° équipe de finlandais à faire des efforts qu’ils ont payé ensuite.
Léon Balmat : Et après le col du Bério Blanc, que s’est-il passé ?
Jean-Luc : Dans la longue descente du col du Bério Blanc (17 km pour 2000 mètres de D-) vers Morgex, nous avons souffert : de la chaleur, de douleurs aux pieds. Du coup, les anglais et les finlandais ont pris une bonne avance. A partir de ce moment, nous avons arrêté de jouer et nous sommes concentré sur nos propres efforts en gardant un œil dans le rétroviseur. Nous savions que les 2 équipes de tête étaient plus rapides et qu’il était inutile de tenter de les rattraper.
Léon Balmat : Je vois que lors de vos derniers 40 km, votre rythme a nettement faibli. Que s’est-il passé, vous avez dormi en chemin ?
Florent : Non pas du tout. Arrivé à Champex où nous attendait famille et amis, nous avons décidé de repartir pour la dernière partie de nuit sans nous reposer pour éventuellement reprendre une ou deux équipes de devant au cas où ils auraient un coup de barre mais surtout pour nous préserver du retour d’une équipe à l’arrière pourtant pointé à plus de 4 heures. Du coup, dans la montée de la fenêtre d’Arpette, nous avons subi un gros coup de fatigue. En effet, dans cette montée, il n’y a plus de chemin et nous devions tracer notre route au milieu des blocs de granit. La montée nous a paru interminable. La suite jusqu’au col de Balme a été un calvaire avec des chemins truffés de blocs à escalader ou à désescalader, des rhododendrons, des racines. Cette portion déjà pas facile de jour avec de la fraîcheur a été pour nous un calvaire puisque parcouru de nuit dans un état de fatigue très avancé (5° nuit de course avec seulement 6 heures de sommeil depuis le départ)
Jean-Luc : On a bien essayé de dormir un moment près du chalet suisse en s’allongeant au milieu du chemin mais on y est même pas arrivé, nous étions transi de froid. La longue descente du col de Balme vers Chamonix soit les 17 derniers kilomètres ont été pour moi une souffrance. En effet, je souffrais d’ampoules et d’une tendinite au releveur qui durant ces derniers kilomètres m’ont fortement handicapé et m’ont empêcher de courir.
Léon Balmat : Rétrospectivement, vous pensez avoir fait des erreurs tactiques ?
Florent : Je ne pense pas que l’on se soit trompé. Nous avons essayé d’appliquer jusqu’au bout notre tableau de marche ce qui nous a mené à cette troisième place. Néanmoins, à Champex, il aurait été certainement plus judicieux de dormir 2 heures ce qui nous aurait certainement permis de finir avec plus de fraîcheur et donc de finir avec moins de souffrance.
Léon Balmat : Passons à tout autre chose, comment avez-vous géré votre alimentation et le sommeil pendant cette course ?
Jean-Luc : l’alimentation et le repos sont des points cruciaux dans une course longue distance comme la PTL. Nous nous sommes attachés à respecter au plus près notre feuille de route que nous avions élaboré avant le départ. Nous avions planifié 3 arrêts de 4 heures au Plan de l’Arr, à Echines et à Frassati nous permettant de dormir 2 heures à chaque fois et profiter d’un vrai repas chaud et calorique. Nous avons également fait un petit somme éclair de 10mn au Roc au Vent avant d’attaquer de grosses difficultés, tel que la Brêche de Parozan et le col de la Nova. Au total nous n’aurons pas dormi plus de 6h. Ces temps de sommeil réduits semblent être insuffisant car nous avons souffert du manque de sommeil nous obligeant parfois à s’arrêter pour ne pas tomber.
A part les repas que nous arrivions à trouver dans les bases de vie ou dans les refuges, nous avions avec nous quelques barres énergétiques, pain d’épice et noix de cajou. Avec tout ça nous n’avons pas souffert de la faim. L’eau par contre a été souvent problématique. Nous devions être très vigilant à faire le plein des gourdes à chaque point d’eau sous peine de déshydratation. Nous avons traversé de longs kilomètres sans aucun point d’eau et heureusement que la chaleur n’était pas trop importante.
Florent : J’ai même transporté du taboulé pendant la moitié de la course. La beauté du lieu où nous l’avons partagé, le col du Bério Blanc, méritait l’effort de son transport !

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Léon Balmat : Dans une course de ce genre, la notion d’équipe est importante. Vous êtes-vous bien entendu ? Comment les tâches étaient réparties entre vous ?
Jean-Luc : on ne peut pas faire ce genre de course seul. L’équipe est le seul moyen de progresser de façon sure en montagne durant tous ces kilomètres, de jour et de nuit,  en bravant parfois des conditions climatiques difficiles. Nous étions unis afin de doubler nos chances. Afin de perdre le moins de temps possible, nous nous sommes efforcés tout au long de la course d’être parfaitement synchronisés dans toutes nos activités : manger, boire, dormir, pisser, se soigner, etc … Pendant l’effort nous ne faisions qu’un pour doubler nos forces, telle que lors de l’ascension de la Fenêtre d’Arpette lorsqu’en traçant la route j”ai été soudainement pris d’une chute de moral, je ne voyais plus le bout de cette montée difficile, je titubais à bout de force. Alors Florent a pris le relais et nous a permis de terminer cette montée éprouvante.
Il n’y avait pas à proprement parler de leader entre Florent et moi. Nous nous partagions les tâches indispensables liées à la navigation, le GPS pour moi, la carte et road-book pour Florent. Pour le reste nous nous efforcions de progresser à la même vitesse. Nous ne nous sommes jamais engueulé, c’était vraiment simple et naturel de rester ensemble. J’avoue avoir eu de la peine à suivre le rythme de Florent à plusieurs reprises, mais l’état de forme n’est pas constant et nous avions des coups de mou à tour de rôle. Je suis encore surpris de la fraîcheur que nous pouvions avoir après seulement 2 heures de sommeil, comme par exemple la montée au petit matin vers le col de Fenêtre. Comme quoi, le corps humain a des ressources insoupçonnées.
Florent : J’ajouterai qu’il est très important de savoir que l’on peut compter sur l’autre. Je n’ai jamais douté de notre réussite car je savais que mon coéquipier ne lâcherait pas. De ce fait, je n’avais pas le droit de le lâcher ce qui m’obligeait moi aussi à aller au bout de l’aventure. Jean-Luc me lance des fleurs mais j’ai également eu mes coups de mou. Sans Jean-Luc qui était à ce moment-là mon phare, je crois que les bêtes qui rodaient dans le col du bataillon d’Aoste m’auraient bouffé tout cru.
Jean-Luc : oui en plus, tu as failli te faire écraser par ce troupeau de génisses folles qui nous chargeaient en pleine nuit. Moi, j’avais choisi la fuite, toi tu avais choisi l’affrontement avec les bestiaux. Quel courage !
Léon Balmat : Comment faisiez-vous pour assurer les besoins primaires tes que se laver par exemple ?
Jean-Luc : Nous assurions en priorité les besoins vitaux qui sont : manger, boire, dormir. Le reste étant superflu. Nous nous sommes quand même accordé une douche à Morgex et laver les dents au moins 2 fois.
Léon Balmat : L’organisation avait mis en place un suivi en direct par internet de la course, comment était-ce organisé ? Et quels ont été vos relations avec l’extérieur tels que vos amis et votre famille ?
Jean-Luc : chaque équipe était équipée d’une balise GPS émettant notre position toutes les 20mn par le réseau GSM. Dans les zones non couvertes par le GSM, la balise enregistrait nos positions et les transmettaient dès que le réseau devenait actif. Ce suivi permettait à l’organisation de nous localiser en permanence avec précision. Il permettait également à nos proches de nous suivre sur internet. Certains d’entre eux, à l’image de Serge, ont d’ailleurs passés des heures durant des jours et des nuits à nous suivre et nous communiquer par SMS les écarts avec nos concurrents directs. C’était notre cordon ombilical avec le reste du monde. Nous avons d’ailleurs reçus beaucoup de SMS d’encouragement de la part de nos amis et de notre famille, et ça faisait chaud au cœur. Dans la solitude et l’immensité de la montagne, ces signaux nous ont été d’un grand secours.
Ces moyens techniques mis en place pour assurer notre sécurité et le suivi de la course semblent parfois anachronique par rapport à ce que l’on a pu vivre, comme par exemple lors de l’ascension du col du Bataillon d’Aoste, en pleine nuit, lorsque nous croisons un berger italien sortant de son refuge qui nous indique le chemin à suivre pour rejoindre le col : va tout droit en suivant cette étoile… quoi de plus beau et de plus simple ?
Léon Balmat : Quelles ont été les conditions météo que vous avez rencontré ?
Jean-Luc : les conditions ont été globalement très favorables. Hormis une averse de pluie et de grêle le mardi dans une portion rendue très glissante et dangereuse, nous avons bénéficié d’une météo plutôt ensoleillée, pas trop chaude le jour, très fraîche la nuit, idéale pour ce genre de course.
Florent : Malgré cette météo favorable, le temps change vite en montagne et il faut gérer le contraste de température entre le jour et la nuit. Tous les matins, le sol était gelé alors que la température pouvait dépasser 25°C en pleine journée en fond de vallée. Nous passions ainsi pas mal de temps à changer de tenue, à rajouter une couche, à l’enlever, mettre la veste puis la retirer….
Léon Balmat : Comment avez-vous trouvé l’aide apportée par les bénévoles ?
Jean-Luc : la PTL ne compte qu’une vingtaine de bénévoles, ce qui est peu pour 90 équipes. Mais c’est une équipe de qualité, motivée et disponible. Ils assuraient essentiellement la logistique des 3 bases de vies et sans eux, cette course ne serait pas possible.
Florent : Sans ces bénévoles, cette aventure ne pourrait pas avoir lieu, il faut donc leur être reconnaissant de leur disponibilité et de leur gentillesse On ne peut que les remercier de nous avoir soutenu et assisté tout au long du parcours jusqu’à l’arrivée. En plus, toutes ces personnes étaient forts sympathiques voir charmantes. Pour finir, une anecdote les concernant : En partant du ravitaillement d’Echine-Dessus, Gérard nous a souhaité un « bon voyage ! ». Je n’ai pas compris tout de suite ce qu’il avait voulu dire. Maintenant que nous avons bouclé ce périple, je pense avoir compris. Outre le parcours magnifique qu’ils nous ont fait découvrir, ils nous ont permis de faire un voyage initiatique en notre for intérieur. Merci encore.

Léon Balmat : Avez-vous souffert de blessures ou problèmes physiques particuliers ?

Jean-Luc : dès le début nous avons subi quelques bobos que nous avons pu heureusement contrôler. Les plus gros problèmes sont intervenus bien plus tard, avec un orteil endommagé et quelques douleurs tendineuses pour Florent, de nombreuses ampoules et des ongles arrachés pour moi. Afin de limiter les ampoules, nous nous enduisions régulièrement les pieds de NOK, mais étant donné l’humidité importante des 3 premiers jours, les pieds ont beaucoup souffert. J’ai souffert également d’une tendinite du releveur à 50km de l’arrivée. Florent a dû me strapper à 2 reprises pour tenter d’apaiser la douleur. C’est devenu réellement insupportable 20km avant l’arrivée mais j’ai dû faire avec jusqu’à Chamonix.
Léon Balmat : Maintenant que la course est finie, avez-vous bien récupéré ?
Jean-Luc : les ampoules profondes sont longues à soigner. Ma tendinite du releveur me gêne encore beaucoup pour marcher 6 jours après la course. Il faut être patient et se reposer. Étant arrivé le samedi matin et ayant repris le travail dès lundi matin pour Florent et moi, nous n’avons pas trop eu l’occasion de nous reposer. Il aurait été plus sage de prendre quelques jours de congés afin de bien récupérer. Mais dans l’ensemble, tout va bien, hormis quelques pathologies propres aux courses longues distances.
Florent : Je n’ai pas eu trop de pépins physiques donc les jambes vont bien. Par contre, le déficit de sommeil se fait sentir. Je pense qu’il nous faudra plusieurs semaines afin de pleinement récupérer. On a ouï dire que les finlandais qui ont fini devant nous enchaînaient avec le Tor des Géants en fin de semaine…. Mais comment font-ils ?
Léon Balmat : Dernière question, une semaine après la fin de la course, quel bilan en tirez-vous ?
Florent : Participer à une course est un acte égoïste, donc la PTL2013 restera pour moi en premier lieu un magnifique voyage qui m’aura permis de m’évader et de remplir la tête de superbes images. Mais cette course en équipe est à part, car je l’ai partagé avec bien sûr Jean-Luc, avec les bénévoles mais aussi grâce au suivi internet avec la famille et les amis. Alors, si bien sur je suis un peu fier d’être allé au bout de ce défi, je suis aussi très fier d’avoir pu faire partager notre périple avec des proches et d’avoir pu les faire vibrer.
Jean-Luc : comme Florent, je suis très fier d’avoir réalisé cette course dans ces conditions et en obtenant un aussi bon résultat. Cette fierté correspond au côté sportif de l’événement mais ce n’est pas ce qui compte le plus à mes yeux. De cette aventure, je retiendrai la force mentale et le dépassement physique nécessaire, la force de notre équipe avec mon pote Florent, le soutien des copains et de la famille, le sourire et la disponibilité des bénévoles, la beauté et la rudesse des montagnes. Merci à toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de réaliser ce magnifique voyage, afin de donner du SENS à notre RUN.

Léon Balmat : Que diriez-vous pour conclure ?
Florent et Jean-Luc : COMTOIS RENDS TOI, NENNI MA FOI !
www.runetsens.fr
les photos

Florent Maire et  Jean-Luc Gillet
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1) Léon Balmat est un journaliste virtuel spécialement conçu pour l’occasion. Léon est un boulanger Chamoniard fondateur de la Petite Trotte à Léon. Jacques Balmat est le premier alpiniste ayant gravi le Mont-Blanc.